Zoom

Avoir

L'incendie


J'ai toujours eu l'habitude de vivre calmement. Avec la venue des enfants la maison s'est agrandie et quelque par je ne m'y reconnaissais plus, la vie continuait faite d'obligations et de train train. Nous avons changé. Plus rien n'était vraiment enthousiasmant, c'était une routine confortable certes mais pesante et sans attrait. Faite de cris d'enfants de courses et d'ennui. Je m'oubliais, mon corps et mon âme ne m'appartenait plus, j'étais lentement dépossédée de tout sans même m'en apercevoir.

Cela se passe presque toujours ainsi et un jour on se réveille dans son lit, on se sent fatiguée et l'on se demande ce que l'on fait là, prés de cet homme qui dors encore et dont les désirs nous sont devenus étrangers. On ne s'avoue pas que l'amour est parti en même temps que le plaisir. On ne s'en rend pas compte véritablement de suite, on se dit qu'on est fatiguée, que c'est une mauvaise période et que ça va passer, alors qu'il est déjà trop tard. Puis les relations se dégradent inexorablement, les besoins ne sont plus les mêmes, les désirs ne sont plus communs, tout devient prétexte à affrontements et critiques. Ca n'accroche plus, ça accroche partout à la fois. La vie devient un marécage sans issues où chacun cherche à survivre seul, faisant porter à l'autre la responsabilité de ce naufrage.

J'ai repris mon indépendance, il valait mieux, ma maison s'est rétrécie. Elle a repris sa taille originale d'avant. Petite, étroite, je me suis resserrée sur moi même. J'ai réduit mon espace pour me recentrer. Les enfants en alternance, la moitié d'une vie derrière soi, et l'autre à changer. Je me suis permis d'écouter ma musique et de prendre mon temps, je lavais juste ce qui était nécessaire, le minimum, pareil pour la cuisine. Un soir j'ai fais un steak, c'était une première fois, d'habitude c'était mon ex qui faisait. Il était en pleine cuisson quand le camion des pompiers s'est arrêté dans la rue. Les petits sont sortis en trombe pour voir le gros camion rouge devant la maison.

Je passe une main dans mes cheveux en retournant le steak, derrière moi le pompier sur le seuil de la porte. Je ne dis rien, je le laisse venir, je le sens dans mon dos, je m'affaisse les yeux clos. Ses mains me retiennent et m'allongent. Il me parle mais je n'entend rien qu'un son lointain, puis ses lèvres sur les miennes en bouche à bouche. Je respire, il me porte dans ses bras jusqu'au lit de la chambre dont la porte est grande ouverte, il investi toute la maison, je le laisse faire, il sait ce qu'il fait et je n'ai pas envie de réagir. Il ouvre mon peignoir et pose son oreille sur ma poitrine qui se soulève à sa rencontre. Il pose ses doigts sur mon ventre. Ça rentre et ça sort, inspiration expiration, souffle de vie, c'est si simple, il est fort, viril, entraîné. Je n'ai rien à dire, juste à laisser faire. Il me fait du bien. Je me détend, je me sens bien, mieux, pleine, comblée de ses attentions à mon égard. L'odeur de brûlé du steak m'atteint à peine, d'ailleurs je ne réalise pas. Il se relève sort sa lance et répand de longs jets puissants sur les flammes en incendie qui menaçaient la maison. Puis rajuste sa tenue, et sort laissant la porte se refermer d'elle même derrière lui. Je n'ai plus qu'à tout nettoyer avant le retour des enfants. Je me sens lasse, je referme le peignoir et reste allongée sans force. Je sens le besoin d'une cigarette, puis je me demande ce que l'on va manger ce soir.



◄ précédent   Jp 18 juillet 2006   suivant ►


Commenter
Partager

Twitter Facebook Google Plus Linkedin email Flux rss