Zoom

Nature

Bordeaux, Paris, Montréal, Ottawa


Une journée pas comme les autres. Bordeaux, Paris, Montréal, Ottawa.

Bordeaux

Départ de bordeaux 4 heures du matin, taxi. Je jette les clés par la fente de la porte d'entrée qui sert de boite aux lettres. Voilà c'était la dernière. Je réussis difficilement à bouger ma valise vraiment très lourde, trop, c'est clair, la journée de voyage va être un enfer. J'arrive à peine à la faire rouler, et la soulever jusqu'au coffre du taxi est un travail d'hercule. Départ pour l'aéroport, conversation politique avec le chauffeur, pouvoir d'achat coincé depuis des années, les charges toujours plus importantes, les scandales impunis où baignent nos politiques. Conversation policée et consensuelle. Il fait nuit, on ne voit rien, dernier regard aveugle sur Bordeaux pénombre de rocade. Je paie en carte visa, puis extirpe la valise du coffre, je tente le train à roulettes, la poignée coulissante me reste dans les mains, deux tiges métalliques dépassent, avec le chauffeur on les arrache, trop de risques de se blesser, il récupère les restes. Je me contenterais donc de la poignée supérieure pour la faire rouler, (enfin disons la traîner). Je suis en avance, attente de l'enregistrement ... Evidemment si la valise me semblait lourde ce n'était pas sans raison, elle affiche 54 kilos sur la balance. Premier problème pour ce trajet Air France Bordeaux-Paris. On a droit à 2 fois 23kilos, et non pas une fois 54. Un maximum de 32 kilos par bagage et deux bagages maximum. Problème : que faire ? Impossible de jeter des trucs, il n'y a pas d'endroit ou l'on puisse laisser quoi que ce soit ici à cause des hypothétiques risques d'attentat. Pas de consigne non plus, en fait rien n'est prévu pour les cas comme moi. Certes c'est clair je suis un cas. A ma décharge, j'ai eu tellement de choses à penser depuis quelques jours pour prévoir mon départ que cet aspect n'a pas atteint véritablement ma conscience. Je pensais bêtement payer une surcharge pour l'excédent de poids et basta. Or non ! cela ne marche pas comme cela. Je dois délester ma valise d'un bon 17 kilos si je veux partir. Mon avion est dans une heure, j'en ai trois correspondances de prévues aujourd'hui donc pas vraiment le choix. Devant mon désarroi l'hôtesse me propose de prendre mes affaires et que je m'arrange pour que quelqu'un vienne chercher cet excédent chez elle. Que faire d'autre ? Elle me propose des poches plastiques transparentes. Je me retrouve devant le comptoir, valise ouverte à transférer des trucs pour alléger de 17kilos.

Pèle mêle de cds, DVDs, livres, pas mal de documents, des écrits et des papiers officiels qui doivent me suivre, une paire de chaussures, des archives, tout cela se retrouve en vrac dans deux poches plastiques. l'hôtesse prend peur devant ce bric-à-brac et commence à dire: ce n'est plus possible je ne peux pas porter ça jusqu'à ma voiture. Pris d'une inspiration subite je me rappelle à ce moment que je fais parti de la maison et que je travaille depuis 20 ans à gérer l'informatique comptable et l'intranet de l'aéroport. Je cite qu'elle n'a qu'a appeler le chef comptable que je le connais bien et qu'on travaille ensemble depuis des années, mais qu'à cette heure-ci peu de chance qu'il ait embauché. Du coup, elle commence à se méfier de la longueur de mon bras et après un coup de fil trouve une solution exceptionnelle pour que je laisse mon excédent aux objets trouvés. J'enregistre mon bagage revenu à 30 kilos, vais payer l'excédent de poids, puis je cours en traînant mes 17kilo de poches plastiques jusqu'à trouver la consigne. J'ai aussi un spindle de DVDs en vrac, des trucs perso, des sauvegardes, une bonne centaine de galettes que je ne tiens pas à rendre à mon ex. Je les abandonne dans l'urgence dans un bac à clope d'une entrée, va savoir ce qu'ils deviendront, c'est flippant, vraiment pourvu que cela finisse dans une poubelle et que quelqu'un les jette. Puis je laisse tout à la consigne et je réveille mon ex pour qu'elle vienne les chercher dans la matinée absolument. Comme elle est dans un demi-sommeil, j'évite de me faire incendier. j'oublie de lui dire de prendre une valise parce que les sacs en vrac à porter c'est la galère, elle va avoir la surprise et me maudire c'est certain arg. Sur l'écran de la salle de garde, mon intranet, je dis "tient ça c'est moi qui l'ai fait" au gars, qui n'a pas l'air de s'en émouvoir. Je cours passer la douane vite pour ne pas rater mon avion. Je suis en sueur, je transpire beaucoup, mon tee-shirt et mon pull sont trempés, la journée ne fait que commencer. Je suis en plein stress vraiment. Je prends un jus d'orange dans l'avion pour compenser la perte de minéraux.

Paris.

Il faut l'avouer je ne me sens pas vraiment bien. Avoir abandonné mes deux cents DVDs environ à tout va, avec pas mal de trucs plutôt perso, sans avoir pris le temps de trier. Non franchement je ne me sens pas très bien. Arrivé Orly je récupère ma grosse valise et cours chercher le bus pour Charles de Gaulle. Je finis par le trouver. Traversé des embouteillages parisiens sur magnifique vue de soleil levant. Une usine dégueule un nuage noir charbon de fumée qui monte droit dans le ciel sur fond de bandes nuancées oranges rouges, c'est très beau graphiquement parlant. J'apprécie aussi la maestria avec laquelle le chauffeur black pilote notre vaisseau à toute vitesse par-choc contre par-choc en se faufilant de voie en voie. Arrivé Charles de Gaulle et prise de la navette vers le terminal 3. Je me trompe évidemment d'arrêt en descendant au niveau RER et je finis à pied pour rejoindre le terminal en traînant ma valise. Décidément, ce bagage commence à me peser, j'arrive en nage. Enregistrement de mon unique bagage sur Air Transat, allez-retour pour payer le surcoût de poids et disparition de l'objet pour la cale de l'avion tant mieux bon débarras. Je me présente plus léger en douane ... ça passe. Attente d'embarquement. Je fais un passage par les sanitaires pour un peu d'eau sur le visage, puis retourne attendre. On appelle mon nom au micro. Je me dirige vers l'enregistrement ou l'hôtesse avec un grand sourire me tend mon passeport que j'avais oublié aux toilettes et qu'une âme charitable vient de lui apporter. Décidément, je suis plus perturbé que je ne le pensais, je bénis la personne qui l'a rapporté et qui restera anonyme. L'avion a une heure de retard au départ. Je me retrouve coincé entre deux gars, nos coudes se touchent, on est plutôt mal assis, nous voilà partis pour 8 heures de vol. Petite fricassée de poulet aux olives en déjeuner, ce n'est pas si mauvais. J'ai mal partout, surtout bas du dos et cou. Lentement on traverse l'atlantique à 700 kilomètres-heure, moins 50 de température extérieure, un fort vent de face, et pas mal de perturbations. Ces trajets en avion ressemblent plus à l'idée que l'on se fait des boat people que du trajet en première classe. Ma dernière vision de la France restera ces embouteillages du périphérique parisien, ainsi que la vue de la maquette grandeur nature du concorde ( à bon c'est le vrai, je le voyais plus grand) qui semble s'élever dans les airs suspendu au dessus du sol en bordure d'aéroport. Je me demande si c'est de très bon goût de rappeler ainsi le crash qui a marqué la vie de ce chef d'oeuvre franco-britannique quel fiasco ! J'ai une pensée pour les familles des victimes.

Montréal

Arrivé à Montréal avec pas mal d'heures au compteur de veille et 6 heures de décalage horaire, en pleine pluie verglaçante. Comme d'habitude et malgré le patch, le besoin de cigarette devient intense dans les deux dernières heures de vol. Il me reste avant à négocier mon passage en douane, encore longue queue. J'ai une attestation de la banque montrant que j'ai les moyens de subvenir à mes besoins. Il ne veut même pas la voir, visiblement je suis crédible. Il est OK et me fait un super papier sans sourciller. C'est très consensuel, mais j'évite toute réflexion d'humour déplacé à la française, je sais qu'il ne faut pas plaisanter avec l'administration ici.

Tout cela a pris pas mal de temps et quand je me présente pour récupérer mon ######é bagage c'est quasiment la dernière valise sur le tapis roulant. Je sors. Le besoin de fumer est violent maintenant. Je fais quand même bien les choses en enregistrant mon boulet en correspondance pour le vol Montréal Ottawa. Compte tenu des conditions atmosphériques, plusieurs vols ont déjà été annulés, mais l'hôtesse dit que le mien semble maintenu. Évidemment sur Jazz, on n'a droit qu'à 20 kilos de bagage, mais elle enregistre sans rien demander de plus mon gros truc. Je souffle et plein de reconnaissance je lui met sur le tapis roulant. Enfin fumer ! Dehors il pleut, pluie verglaçante. De fines stalactites translucides tombent des voitures en pendentifs de perles brillantes, étincelantes d'éclats de couleurs. Mon premier jour d'hiver canadien. Quelques heures d'attente de plus, je repasse la douane qui en profite pour me confisquer trois briquets, et j'attends l'avion, vient l'heure d'embarquement, je vais me renseigner au comptoir pour apprendre qu'il est annulé, on me donne une petite feuille avec un téléphone à appeler pour avoir des prix sur des hôtels et prendre une réservation sur un prochain vol ce que je fais. Re-douane re-attente et à nouveau vol annulé. Il n'y en aura pas d'autre dispo ce soir. Comme je sais qu'il y a une liaison de bus Montréal Ottawa, je tente ma chance. Il faut d'abord que je récupère mon bagage et ce n'est pas une partie de plaisir, finalement je trouve l'endroit où ils sont stockés, aucun mal à le repérer dans l'amoncellement il dépasse du tas. Bien sur, le bus vient juste de partir. Le prochain il faut l'attendre 2 heures et demie vers 20 h 20. 20 h. En discutant avec un gars qui fait comme moi le pied de grue dans le vent, il me dit que peu de chance qu'ils prennent la carte de débit dans le bus. Je lui laisse mon bagage et je fonce à la recherche d'un distributeur automatique. J'en trouve un ouf, j'essaie, il refuse de prendre ma carte en me disant de prendre contact avec une succursale arf j'en tente un autre un peu plus loin ... Pareil toute tentative de l'infléchir semble sans effet, c'est pénible de constater à quel point ces machines peuvent être buté. Là je flippe, je demande dans un bar s'ils ne peuvent pas me dépanner, elle me renvoie vers le bureau de change à l'autre bout de l'aéroport, qui me renvoie vers un distributeur qui prend les cartes visa, un peu plus loin à côté du Burger King. Je finis par le trouver ouf, et au pas de course retour à l'arrêt de bus. Deux heures à attendre dans le froid. Ça devient vraiment difficile. Je trouve une personne charitable qui répond à mon please help ! pour m'aider à enfourner sans ménagement mes trente kilos dans la soute bondée du bus, j'ai une pensée attendrie pour le disque dur à l'intérieur qui doit se balader entre chaussettes et slips. Heureusement que j'ai trouvé des dollars canadiens ! Pour entrer dans le bus il faut la preuve de la carte d'embarquement Air Canada et faire l'appoint en dollars, il ne rend pas la monnaie, hallucinant, je m'écrase dans un des confortables fauteuils, à côté d'une bonne dame canadienne de retour du Maroc, c'était la première place libre. L'espace d'un instant, je regrette que ce ne soit pas un émigré pakistanais quand elle m'annonce dans un bon français entre les descriptions de son périple, qu'elle ne dormira pas. Le trajet je ne m'en souviens pas il fait nuit depuis longtemps, j'émerge de temps en temps quand mon téléphone vibre, à côté la respiration régulière sonore et apaisée de ma voisine m'indique sans aucun doute que c'est une bonne menteuse. Mon amie s'inquiète de savoir où je vais vais atterrir à Ottawa, je n'en ai aucune idée et je ne vais pas déranger le chauffeur pour si peu.

Ottawa

Me voilà à la gare routière avec ma grosse valise qui pour tout remerciement me saute dessus en jaillissant de la soute et entre violemment en contact avec ma jambe droite, je suis bon pour une semaine de bleu, je ne lui en demandais pas tant, néanmoins quelque part cet excès d'effusion doit montrer à quel point elle tient à moi, donc difficile de lui en vouloir. Je me promet quand même de m'en débarrasser le plus vite possible, elle me sort des yeux et de toute manière elle est en lambeaux, je l’achèverai dès que possible. Cette pensée me réconforte et j'imagine en flash les sévices de vengeance sadique que je vais lui faire subir. Il ne fait pas chaud du tout, des restes de neige sale sur les bas côtés. Une bonne vingtaine de minutes à attendre que ma blonde vienne me chercher. Je suis décomposé anéanti avec plus 24 h de voyage et 6 heures de décalage horaire. Retrouvailles rapides il fait froid. Vite le lit chaud. A venir : la plaie pour me faire rembourser le billet d'avion annulé. Lendemain, réveil, l'air est vif, froid, pur, un air de montagne. Les oiseaux se réunissent sur un buisson comme des feuilles vivantes. Des écureuils de branche en branche, on les voit bien, il n'y a plus de feuilles. De la neige gelée, les arbres bruissent d'eau. Évidemment, le réseau Wifi non protégé qu'un voisin laissait involontaire jusqu'à maintenant ouvert n'est plus disponible, dommage. Une page se tourne. Il reste à atterrir. C'est l'hiver, me voilà en vacances au Canada.



◄ précédent   Jp 9 décembre 2006   suivant ►


Commenter
Partager

Facebook Google Plus Linkedin email Flux rss