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Donner

C'est loin la France



Il disait : - "Il y a deux France, c'est ainsi et cela le sera certainement toujours. Il y a la France minoritaire qui n’hésite même pas à s'expatrier pour mieux résister quand elle a été défaite, qui se rebelle et n'acceptera jamais d'être asservie quoi qu'il en coûte, une France qui se bat sans penser à la gloire prête à donner sa vie pour le bien commun, par idéal et par principe. En contre point il y a aussi la France majoritaire, lâche et pleutre, celle qui collabore à la loi du plus fort, se plie aux idéologies dominantes, comme jadis Vichy, tout en se targuant d'une force et d'une rectitude morale qu'elle n'a pas, une France hautaine et prétentieuse qui croit être ce qu'elle n'est pas et se vante d'incarner ce qu'elle jalouse chez les autres, une France qui pense d'abord à elle-même, pour survivre coûte que coûte et tirer profit des circonstances et de toute opportunité pour s'enrichir au dépend des autres, sans état d'âme excessif elle se persuade que tout le monde fait pareil. Nous sommes individuellement ces deux France, parfois nous penchons d'un coté ou d'un autre, bien que nous appartenons intrinsèquement à un camp, ce que nos choix de vie nous démontrent à nous-même".

Je me suis levé pour rajouter une bûche dans le poêle à bois. La soirée s'étirait, l'hiver serait bien long comme toujours, et bien froid comme toujours. Le lac fumait après l'orage, ses contours disparaissant dans la brume, ainsi que la pointe des érables et des pins. Je te ressers ? - " Volontiers c'est bien bon, tu fais ça comment ?" - "Lait chaud, sirop d'érable et rhum".

C'est toujours un peu étrange de croiser un compatriote si loin de chez nous, d'autant que je ne fréquente pas la diaspora française au Canada. Chantal qui a le don de repérer bien avant moi cet accent particulier qui nous identifie en Amérique du nord, avait entamé d'un "et vous venez d'ou en France ?" auquel il avait répondu d'un "de Paris" sans équivoque. 13 ans au Canada et pas envie de rentrer pour rien au monde, et je dois bien avouer que je partageais tout à fait son avis.

J'osais un - "Pour être complet il reste le centre diplomatique" auquel il répondit " Le centre est un point théorique aussi instable qu'une cible sur laquelle on vise et qui s'échappe toujours du viseur. Un point de repère à l'horizon qui n'est pas la vraie vie, ce chemin en perpétuel renouvellement mouvance et changements, juste un idéal utopique ou hypocrite, s'est selon. Se définir comme centriste ce n'est ni plus ni moins que refuser d'exister et rester immobile la boussole à la main incapable d'avancer un pied dans aucune direction, ou simplement vouloir tromper tout son monde."

Dehors la pluie drue recommençait à battre le bois, on était bien, au chaud et à l'abri.




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